T878 - A tout bien choisir.
« Mam’zelle perruche, autorisez-moi cette audace
Honnêtes sont mes intentions, soyez-en assurée.
Puis-je vous déclarer combien je vous trouve magnifique
Auprès d’un tel éclat, je ne saurais qu’être humble et mesuré.

Voyez mon plumage et comparez avec le vôtre
Vous si colorée et moi tellement terne
Entre nous deux, il faut l’admettre : c’est le jour et la nuit.
Je vous le dis, je vous envie.
Du rouge, du vert, du jaune, en veux-tu en voilà
en un savant mélange chaud et harmonieux
Toute la palette du peintre de talent, en mieux.
Vous devez assurément faire une foule d’envieux !
D’évidence, nous sommes en tout différents
Aujourd’hui et demain.
Un jour je finirai dans une marmite, accommodé aux petits pois
Vous la Belle… moindre mal, peut-être en cage, gîte et couvert assurés.
Mais pour l’instant, revenons au présent, oublions cela.
- Ami pigeon, j’entends vos propos et suis sensible aux compliments.
Apprenez que les couleurs, la beauté, n’apportent pas nécessairement
la désirée sérénité et encore moins l’indispensable tranquillité
Nous les chamarrées, en effet, sommes constamment observées, jalousées.
Permettez-moi d’éclairer votre lanterne par ce récent exemple.
Je me trouvais hier au théâtre, perchée discrètement au poulailler.
Pas un instant je n’ai pu me concentrer, vers moi tous les regards braqués
Le public ne regardait plus la scène, même les acteurs se sont mis à protester
« Sortez-la, mais qu’on la vire de là ! Et plus vite que cela ! »
Sous les huées, j’ai dû dare-dare m’échapper
Et tintin pour espérer me faire rembourser…
Vous serez surpris mais je n’en peux vraiment plus
J’apprécierais hautement de passer inaperçue.
Dans son trou, souvent, je jalouse la discrète vie de la souris. »
Des goûts et des couleurs !